La chambre est ouverte au ciel bleu-turquin ;
Pas de place : des coffrets et des huches !
Dehors le mur est plein d’aristoloches
Où vibrent les gencives des lutins.
Que ce sont bien intrigues de génies
Cette dépense et ces désordres vains !
C’est la fée africaine qui fournit
La mûre, et les résilles dans les coins.
Plusieurs entrent, marraines mécontentes,
En pans de lumière dans les buffets,
Puis y restent ! le ménage s’absente
Peu sérieusement, et rien ne se fait.
Le marié a le vent qui le floue
Pendant son absence, ici, tout le temps.
Même des esprits des eaux, malfaisants
Entrent vaguer aux sphères de l’alcôve.
La nuit, l’amie oh ! la lune de miel
Cueillera leur sourire et remplira
De mille bandeaux de cuivre le ciel.
Puis ils auront affaire au malin rat.
– S’il n’arrive pas un feu follet blême,
Comme un coup de fusil, après des vêpres.
– Ô Spectres saints et blancs de Bethléem,
Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre !
27 juin 1872
Arthur Rimbaud
« Vers nouveaux »
Edition d’Ivar Ch’Vavar
(Editions Lurlure, 2019, 64 p., 7 €)
« Jeune ménage », en vers de dix syllabes, est rimé de façon à faire dresser sur la tête de Verlaine lui-même le peu de cheveux qu’il lui reste, ainsi : huches/aristoloches, vains/coins, floue/alcôve (fausse rime pour l’œil ?), blême/Bethléem, vêpres/fenêtre.
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