Francis Bacon, Portrait de Michel Leiris (1976)
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La ligne à écrire, à la fois horizon que je dois fixer, corde raide sur laquelle il me faudra marcher et câble à quoi m’agripper pour ne pas me noyer.
Michel Leiris, 29 mars 1976, Journal
Francis Bacon, Portrait de Michel Leiris (1976)
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La ligne à écrire, à la fois horizon que je dois fixer, corde raide sur laquelle il me faudra marcher et câble à quoi m’agripper pour ne pas me noyer.
Michel Leiris, 29 mars 1976, Journal
[…] et je n’exagère pas si j’affirme que mon histoire a commencé là, que c’est à partir de ce désamour que j’ai ébauché la Grande Idée selon laquelle, si cela ne tenait qu’à nous, nous chasserions les lecteurs de la bibliothèque comme on chasse les porcs d’une bijouterie, car les bijouteries sont remplis de porcs, et vous devez prendre cela au pied de la lettre, mais bon, je vous expliquerai pourquoi plus tard, le fait est que nous ne devrions laisser personne s’approcher des livres, les livres devraient rester, tel était notre rêve, à leur place, soigneusement rangés, et ainsi nous pourrions créer, pour poursuivre mon rêve, un Paradis du Savoir que rien ne viendrait troubler, non, pas seulement du savoir mais de tout ce qui s’y rapporte, et dont nous, les bibliothécaires, qui n’en sommes pas les auteurs, serions chargés d’assurer la protection, d’un côté il y aurait donc les lecteurs, je parle toujours de mon rêve, qui tenteraient chaque jour de pénétrer à l’intérieur de la bibliothèque, avec l’intention d’y consulter des ouvrages sur place, ou carrément de les emprunter, mais ne pourraient ni entrer, ni consulter, ni carrément emprunter puisque, de l’autre côté, les bibliothèques seraient FERMÉES, et définitivement, les livres seraient non dérangés, non lus, oh, dieux du ciel, c’était si beau, ne serait-ce que de l’imaginer […]
Petits Travaux pour un palais
« Pénétrer la folie des autres »
László Krasznahorkai
traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly
Cambourakis
112 p., 2024
[p. 18-19]
N’est-ce pas des Indes que Raymond Roussel envoya un radiateur
électrique à une amie qui lui demandait un souvenir rare de là-bas ?
Roger Vitrac, « Raymond Roussel »
L’énorme villa est nichée au milieu d’un vaste parc à l’épaisse végétation, situation idoine pour l’ermite Roussel. Et on sait les subterfuges qu’il est prêt à utiliser (valet sosie) pour se protéger. À ce sujet, Philippe Soupault rapporte que Roussel ne répond bien sûr jamais lui-même au téléphone, il en a « une sainte horreur ». Son valet a donc pour instruction de répondre systématiquement que son maître est en voyage. Mais Soupault prétend qu’un mot de passe permet aux rares initiés de passer outre ce barrage, qui consiste à demander alors : « Mais est-il au Dahomey ou au Mozambique ? », ce à quoi le valet répond invariablement : « Ne quittez pas, je vais voir s’il n’est pas revenu. »
[p. 280]
La suite n’est pas dicible en prose...
* * *
« Abuse pas des gouttes, Vicky !
» Nous refais pas un Pont-Saint-Esprit !
» C’est arme de psychose massive,
» Qui le cerveau calcine et lessive,
» Que ta main tient d’une aise excessive...
— T’inquiète ! On est gendelettre, non ?
» Donc on est géomètre. L’ogive
» Et la divine proportion,
» C’est mon dada ; note ma dérive :
» Par pélo une goutte environ,
» Cinq gouttes donc dans la cafetière...
» Pareillement pour cette théière...
» Voilà ! Remue avec la cuillère,
» Que le LSD s’infuse à l’eau...
» Je me charge de l’autre plateau.
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Wisielec, L’Automne ou le Sac de Rome
Vaudeville punk en 3 actes et 1 527 ennéasyllabes
Æthalidès, coll. « Freaks »
180 p. ; 19 € (extrait : strophe 46, Acte I, scène 5)
Quelle décision avez-vous prise ce matin ?
Renoncer à vivre est difficile quand il reste tellement de textes revigorants à lire.
Quel risque de tout perdre avez-vous activé ce matin ?
Perdre la vie est moins pénible que de perdre ses clés au vu du tarif des serruriers. J’enfonce les plus splendides portes ouvertes en désignant comme vivants et libres ceux qui ne s’installent jamais, qui, demain, seront déjà ailleurs.
Et vous, pourriez-vous énoncer une pensée ? Exprimer une colère ? Une rage ? Un émerveillement ? Avant que l’on vous torture et vous assassine, serez-vous un instant audible pour un ou quelques rares ?
Tout baigne. Personne n’est aliéné, chacun, chacune nage dans une eau cristalline parmi les poissons colorés et les algues si vertes.
[...]
Écrire est-il le dernier moyen acceptable de refuser les combats ?
J’écris une étude sur le racisme d’État sur un confetti que je replace ensuite dans le sac avec les autres confettis, voilà ma démarche et ma stratégie de lutte, ma guérilla urbaine.
Christophe Esnault
L’insuccès est-il stimulant ?
Tarmac éditions (Nancy)
2024, 56 p.
Un argument surprenant, il y a cent ans, en faveur d'un système américain de division des rues : « Pauvres professeurs ! qui enseignez la morale et les belles lettres, vos noms aux petites lettres noires sont au coin d’une rue au-dessus d’une borne. Le nom de ce bijoutier resplendit en mille feux ; il étincelle comme le soleil, il est à vendre, mais il est cher. »
Mercier, Le Nouveau Paris, IV, p. 74-75
Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, « le livre des passages », traduit de l'allemand par Jean Lacoste, Les Éditions du Cerf, 976 pages [ici, p. 536, « P. Les rues de Paris »]
« Le chiffonnier, le clochard et l’écrivain sont des espions potentiels ; subversifs parfois, sous-payés toujours. »
(p. 498)
pour aller plus loin, c’est ici >>>
https://www.sitaudis.fr/Incitations/pour-lire-le-dernier-clerc-1724727415.php
(108e article Sitaudis)
Le bonheur des Jeux olympiques, c’est le rendez-vous avec les invisibles. Tous les quatre ans, les Jeux sont l’occasion de revoir ce qu’on ne voit jamais : les haltérophiles plantés comme des Botero en barboteuse devant leur barre, les lutteurs en rouge et bleu qui se roulent à terre dans des passes sensuelles et mystérieuses, les taekwondistes qui s’affrontent de biais et refusent de voir leur adversaire en face, les waterpolistes qui sortent à peine de l’eau bouillonnante et dont on confond le casque avec la balle, les frénétiques du BMX qui moulinent à la folie sur leurs trop petits vélos et se balancent joyeusement en dehors de la piste, les tireurs au pistolet hiératiques qui lèvent le bras au ralenti pour tirer plus vite entre deux battements de leur cœur olympique.
[...]
Paul Fournel, Ouest France, 25 juin 2024
[source]
(7 extraits de ma biblio)
Quand chaque titre était déjà en soi source d’excitation, d’échauffement, promesse d’accélération...
la plus belle phrase française lue depuis longtemps
miracle de justesse
œuvre qui me laisse sidéré, sans voix, éperdu
(admiration, ébahissement...)
(Le Tripode, 2024, 144 p.)
rêve — nuit du 7 au 8 juillet
Un député élu sous l'étiquette PLC consent enfin à nous révéler quelle organisation secrète se cachait sous ce sigle : il est militant pour le mouvement Pincez Le Chien — une espèce de parti animaliste.