samedi 27 septembre 2025
lundi 22 septembre 2025
derviche
Le désir d’Écrire : écrire le Désir : nous touchons là au cœur du mythe. Dans le même entretien, Barthes évoque l’épuisement de la littérature. Mais c’est peut-être le contraire qui se produit depuis Kafka, Artaud, Bataille, Blanchot, Laporte, Celan, Des Forêts, Noël, Quignard, Bernhard et d’autres écrivains, présents et à venir…
Les vieilles ficelles du roman se putréfient dans l’autofiction et le « docufiction » ; leurs auteurs sont hypnotisés par la véracité de l’immédiat, par l’exigence de sa médiatisation, par le « buzz » qui en est attendu. À l’inverse, la littérature dite « épuisée », pauvre en « sujets », en « objets », pauvre en intrigues passionnantes et en péripéties, est un commencement comme l’est tout désir suspendu à la naissance de son objet : elle exige simplement une lecture patiente, comparable à l’écoute musicale ou à la contemplation d’un tableau ; elle existe comme art ; elle a conquis durement ce droit à l’existence ; elle n’est pas tenue de rendre hommage ni aux « sujets de société » ni aux caprices de l’événementiel.
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jeudi 18 septembre 2025
mercredi 10 septembre 2025
Sans titre
— Écoute, on va pas pouvoir continuer comme ça. Tu te moques de l’argent, et c’est tout à ton honneur ; mais moi, non, et il va falloir que les choses changent.
— Je sais, je sais.
— … Bon ! Il s’appelle comment, ton dernier ?
— Sans titre.
— Et avec ?
— Non, il s’appelle Sans titre.
— Quoi ? Tu n’es même pas capable de lui trouver un titre ?
— Non. Sans titre : c’est comme ça qu’il s’appelle.
— Comment c’est possible, Sans titre ?
— C’est comme ça. Comme je te le dis.
— C’est complètement crétin, comme titre. Tu vois, tu pourrais être beaucoup plus heureux sans ces fichus romans. Ça pourrait même t’aider pour le reste. Te soulager.
Martin Amis
L’Information (1997)
(roman traduit de l’anglais par Frédéric Maurin)
[The Information, 1995]
mercredi 3 septembre 2025
« Je ne sais pas »
Je vais deux, trois fois par semaine à la Grande Bibliothèque, dans les librairies d’occasion – j’en suis gêné parfois : je dois être aux yeux de quelques libraires le fou braque, le piqué des livres. Plus ou moins quatre cents livres par année entrent dans ma bibliothèque. Les livres sont mes alcools. Je lis parce que je ne sais pas ce qui m’arrive : je ne me connais pas et je ne connais pas le monde dans lequel je vis. La plupart pensent se connaître, connaître le monde dans lequel ils vivent – se contentent-ils de l’identité fournie par les institutions sociales : qui sont-ils en dehors de leurs cartes, certificats, comptes, diplômes. Chaque fois que dans un livre les mots je ne sais pas apparaissent, je les souligne. J’aime cette petite phrase : elle laisse tout ouvert. Des individus parlent beaucoup sans s’arrêter à ce qu’ils disent : ils répètent ce qu’ils ont entendu, lu, contents de montrer qu’ils sont dans le coup. Ils pensent comme presque tous, presque parce qu’il y en a quelques-uns pour qui la parole ne coule pas, qui hésitent, disent je ne sais pas, cherchent des phrases qui vont dire le plus justement ce qu’il ressentent, prennent le temps de penser ce qu’ils n’ont pas encore pensé.
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