D. G. : Alors, l’immortalité de l’âme aujourd’hui ?
P. G. : Qu’est-ce que c’est l’âme ? Quand vous avez connu le coma comme moi, après vous vivez dans cette terreur qu’il y ait quelque chose après votre mort. Et je pense que l’âme, ce n’est pas drôle. Je ne crois pas au paradis, mais j’ai peur des limbes. On revient dans cet état où on était bébé, fœtus, peut-être. On redevient une espèce de fœtus dans je ne sais quel ventre colossal, avec des quantités d’autres. Un ventre rabelaisien, un ventre monumental.
D. G. : Quand on était dans le ventre de sa mère, on n’en était pas conscient. Est-ce qu’on sera conscient après ?
P. G. : Je vis dans cette peur. En même temps, je m’en moque et j’ai très peur qu’il y ait quelque chose après. Le sommeil éternel, je n’y crois pas beaucoup. J’ai connu l’avant-mort, j’ai mis un pied dedans et je pense que tous ceux qui l’ont connue sont dans les mêmes dispositions, parce que, s’il y a quelque chose, ce ne peut être que terrifiant. Terrifiant parce qu’on ne connaît pas. Terrifiant comme les mathématiques. Mais, là aussi, il faut avoir confiance dans ce qu’on ne connaît pas. Néanmoins, j’ai peur.
Pierre Guyotat, Humains par hasard. Entretiens avec Donatien Grau
Gallimard, « Arcades », 256 p. (p. 89-90)