mardi 5 octobre 2021

8888888

  @33   Idée de la distinction

[…] Par exemple il n’y a aucun mal à concevoir le nombre 1014, indépendamment de la difficulté à compter effectivement depuis le nombre 1. On « voit » bien, par la pensée, où il se trouve dans la séquence, et on peut l’écrire sans mal dans la notation de position, qui indique les pas à faire pour l’atteindre : 1, suivi de 14 zéros. Mais le nombre 915, celui qui est 9 multiplié par lui-même 15 fois ? Quel est son visage génétique, le seul qu’on est en droit de lui accorder réel, dans cette conception du nombre ? 
Les ordinateurs, peut-être, nous le diront ; certes ; mais ils ne nous diront pas quel est le nombre génétique représenté comme le résultat de la somme 1753 + 5317. De ce point de vue, les très grands nombres sont frappés de gêne, sinon d’impuissance arithmétique.

@34   Recompter

Ce n’est pas tout. Supposons que vous me disiez : « Voilà le nombre 8888888, je l’ai compté ; le voilà. » Je vous dis : « Vraiment ? Voyons un peu cela. Pourriez-vous recompter, s’il vous plaît ? »

Jacques Roubaud, « Le Nombre d’Opalka »
in Roman Opalka, Christine Savinel, Jacques Roubaud, Bernard Noël, éditions Dis Voir, 1996, p. 38-39


 

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