jeudi 24 mars 2011

crise de foi


[…]
Qu’on le veuille ou non, « nous sommes entre les mains de médiocres qui usurpent la place de Dieu », constate encore Anders en désignant par là l’inconséquence des partisans du nucléaire, ivres d’un pouvoir qui les dépasse. Ils ont beau jeu d’en minimiser les dangers (par diverses stratégies dont Anders dresse la liste : le classement erroné du danger, le dégrisement de l’horreur, la solennisation de l’horreur, la fausse comparaison, la menace par le contraire, les plaisanteries, la spéculation sur la bêtise), ils ne peuvent plus feindre de l’ignorer. Pourtant, ils ne semblent pas mesurer la puissance sans limite de cette arme qui a transformé jusqu’à notre statut métaphysique (« Nous sommes passés du rang de “genre des mortels” à celui de “genre mortel” »). De fait, « la technique de la fission nucléaire ne pulvérise pas que l’atome mais aussi les domaines de compétence. Aucune mesure politique ne correspond à l’utilisation de la “toute-puissance” des monstres atomiques ».

Cette toute-puissance cache en son sein une faille qu’Anders expose sous le concept de « décalage prométhéen ». Pour éviter l’usage d’un terme théologique (le « péché originel »), il a recours à cette expression qui nourrit toute sa pensée sur l’atrocité humaine et qui caractérise l’écart irréductible entre la capacité productive illimitée et la capacité représentative limitée de l’homme. Ce décalage est une constante anthropologique, accrue par la civilisation technique et par la division du travail qui nous absout de toute responsabilité. Nous ne sommes pas à la hauteur de la toute-puissance, nous dit Anders, « nous ne pouvons plus nous représenter ce que nous pouvons produire et déclencher ». En un sens nouveau et effrayant, « nous ne savons plus ce que nous faisons », « nous avons atteint la fin de toute responsabilité possible. Car “être responsable d’un acte”n’est pas autre chose que pouvoir se représenter à l’avance ses effets et se les être réellement représentés ».
[…]




Vous avez dit : « enchaînez » ?...

2 commentaires:

Aki a dit…

collision,
(souvenirs d'enfance)

Au confessionnal :
Vous promettez
de ne plus recommencer et de faire pénitence ?

En leçon de récitation :
... avant l'août, foi d'animal,
intérêt et principal

Lucien Suel a dit…

J'ai lu cet été "Avoir détruit Hiroshima - correspondance de Claude Eatherly, le pilote d'Hiroshima, avec Günther Anders". Très émouvant, très juste (ouvrage malheureusement épuisé).