jeudi 19 mai 2022

« J’ai porté des statues »

J’ai porté des statues sur le bateau.
Leur immense visage est anonyme.
J’ai porté des statues sur le bateau
afin qu’elles restent debout sur l’île.
Du lobe de l’oreille à l’aile du nez
s’ouvre un angle de quatre-vingt-dix degrés.
Sauf cela, aucun signe, rien de rien.
J’ai porté des statues sur le bateau.
C’est ainsi que j’ai sombré corps et biens.

traduit du hongrois par Isabelle Vital
adaptation de Pierre della Faille


                         •

De ces statues que j’escortais,
nul nom ne dit le haut visage.
En mon vaisseau les escortais
jusqu’à l’île en dresser l’image.
L’angle pris du tragus au nez
avait quatre-vingt-dix degrés,
hors cela rien à signaler.
Ces statues je les escortais,
et ainsi j’ai sombré.

adaptation de Guy de Bosschère

                         •

J’ai porté des statues jusque sur un bateau
leurs visages sans nom étaient démesurés
J’ai porté des statues jusque sur un bateau
Je les voulais debout fichées au cœur de l’île.
Toutes pareilles
avec la conque de l’oreille
leur nez faisait un angle droit
pas d’autre signe distinctif

J’ai porté des statues jusque sur le bateau
et voilà pourquoi j’ai sombré.

adaptation de Bernard Noël

                          •

in Ágnes Nemes Nagy
Les Chevaux et les Anges
« anthologie poétique 1931-1991 »

établie sous la direction d’Anna Tüskés
avec le concours de Guillaume Métayer

La Rumeur libre éditions, coll. « Centrale/Poésie »
2022, 288 p., 18 €
[pages 89-91]

                                                                         •

 




Aucun commentaire: