mardi 28 décembre 2021
jeudi 23 décembre 2021
lundi 20 décembre 2021
soyons précis
Vous expliquez que ce mouvement de complexification de la matière est encore d'actualité. L’Univers crée 10 000 étoiles par seconde…
David Elbaz : Le chiffre précis c'est 9 774, dans l’Univers observable. […]
Libération, sam. 18-dim. 19 décembre 2021 — « La plus belle ruse de la lumière pour se multiplier, c’est la vie ! » (interview, p. 16-17)
mercredi 15 décembre 2021
œ(il/uf)
La série des déplacements métonymiques, dans l’Histoire de l’œil, a pour fonction de montrer que le désiré n’est jamais ceci ou cela, mais toujours à côté de ceci, à côté de cela. Le regard amoureux, l’œil de l’amante, ne se chargent de sens, de signification érotique, que pour autant qu’ils sont immédiatement déplacés vers autre chose (« différés ») ; d’où la série des déplacements et des médiations : de l’œil on passe à l’œuf, puis à l’anus, puis au testicule, puis à la vulve, où Simone introduit, à la fin du roman, l’œil qu’on vient d’arracher à un prêtre ; c’est alors, contemplant le sexe de Simone qui entoure l’œil du prêtre, que le héros revoit soudain le regard de Marcelle, son amante. À travers ses différentes pérégrinations, le sens érotique est revenu à l’objet qui lui a servi de point de départ ; mais entre-temps il a circulé, et n’aurait pas eu lieu s’il n’avait ainsi circulé : car la signification érotique n’est pas sise en l’œil de l’amante, mais dans le chemin qui le conduit à l’œil énucléé d’un homme, glissé dans la vulve d’une autre femme. Comme le dit Michel Sardou en son langage : « Elle court, elle court, la maladie d’amour. » Tel en tout cas court le sens. Il y a un cycle du sens, un flux, un courant ; le sens n’est ni ici ni là, le sens est ce qui « passe », et c’est se condamner à le manquer que de prétendre l’arrêter pour s’en saisir.
Clément Rosset
Le Réel. Traité de l’idiotie
Éd. de Minuit, 1977, p. 56-57
jeudi 9 décembre 2021
mardi 7 décembre 2021
Chiffre d’affaires
« Je peux vous proposer deux cent mille pesetas, dit-il. J’accepte, mais en quoi puis-je vous aider ?
« En affaires de poésie, dit-il. Wieder était poète, j’étais poète, ergo pour trouver un poète il avait besoin de l’aide d’un autre poète.
« Je lui répondis que pour moi Carlos Wieder était un criminel, pas un poète. D’accord, d’accord, dit Romero, ne soyons pas intolérants, peut-être que pour Wieder ou pour quelqu’un d’autre c’est vous qui n’êtes pas un poète, et lui ou les autres le sont, tout dépend de la couleur du verre à travers lequel on regarde, comme disait Lope de Vega, vous ne croyez pas ? Deux cent mille pesetas au comptant tout de suite ? demandai-je. Deux cent mille pesetas à l’instant, dit-il énergiquement, mais rappelez-vous qu’à partir de ce moment vous travaillez pour moi, et que je veux des résultats. »
Roberto Bolaño, Étoile distante (chap. 8)
[traduction : Robert Amutio]
mardi 30 novembre 2021
mardi 23 novembre 2021
jeudi 18 novembre 2021
lundi 8 novembre 2021
minimal art
« L’anthologie des poèmes en zéro mot tiendrait aisément sur un timbre-poste. »
François Le Lionnais
« Bibliothèque oulipienne », n° 4, 1977
jeudi 4 novembre 2021
samedi 30 octobre 2021
craduction
Dans sa « note introductive », Antoine Brea nous rencarde :
« Bien sûr Dante a le genre d’humour à la Buster Keaton : c’est un visage de bois. Son comique réside essentiellement dans le contraste. Contraste entre la langue ou plutôt les langues vulgaires employées et la théologie édifiante du poème. […]
« Partant de cette perception plaisante certes d’abord diffuse, me voilà donc laissant libre cours à une “vulgaire parlure” personnelle remontée en partie de l’enfance, en partie d’autres grands auteurs que j’aime, et des vieux répertoires de chansons populaires, du rap que j’écoutais plus jeune, du roman noir que je lis encore, de la bibliothèque de mes parents, des dictionnaires d’argot que je collectionne, tout ça mâtiné d’archaïsmes et d’antépositions comme dans Thierry la Fronde ou dans Les Visiteurs. Tout ça censé restituer Dante. »
Sans moisir, il embraye d’un coup — c’est parti (chant 1, 37-54) :
On était juste au début du matin,
le soleil s’haussait aux constellations
qu’il côtoyait quand tout était éteint
et que l’Amour les mit en rotation ;
si bien qu’à l’entrain quand même me pousse,
face à ce fauve aux gaies colorations,
l’heure du luisant et la saison douce.
Mais trop peu pour que les foies ne m’harponnent
à la vue m’arrivant d’un lion de brousse :
on dirait qu’il fonce dans ma personne,
haute la trogne, en rogne, inassouvi,
et que tout l’air alentour en frissonne !
Puis une louve qui, de mille envies,
se voyait obèse dans sa maigreur
(à mille gens ayant pourri la vie)
me mit à son tour en telle stupeur
par l’horreur de sa pure apparition
que j’en paumai mon besoin des hauteurs.
Pour boucler — un glossaire in fine —, BreA nous affranchit : les foies, c’est la peur ; les salsifis, c’est les doigts ; la gourance, l’erreur ; les radis, des ronds — avec des citations tirées des meilleurs auteurs que vous ne trouverez pas même dans Littré.
Antoine Brea
Le Quartanier, 2021
(402 p., 23 €)
dimanche 24 octobre 2021
Ubik
Les citations ont un intérêt particulier dans la mesure où nous ne notons jamais que nos propres paroles quel que soit celui qui les a écrites. Le « quel que soit », c’est le citateur lui-même mais sous d’autres traits, à une autre époque, en d’autres circonstances.
Marcel Cohen
Autoportrait en lecteur
Éric Pesty Éditeur / Héros-Limite, 2017
[p. 9, exergue]
mercredi 20 octobre 2021
Vous avez raté la sortie ?
nov. 2020, 208 p., 20 euros
Retrouvez-le, retrouvez-moi, retrouvez-nous, ce dimanche au Marché dit « de la poésie »
Place Saint-Sulpice (Paris)
Dimanche 24 octobre, à 15 heures, sur le stand — 110-112 — des éditions NOUS
mardi 19 octobre 2021
samedi 16 octobre 2021
passage obligé
Bruno Tackels, « Walter Benjamin, lecteur absolu »
Revue de la Bibliothèque nationale de France, n° 41, « L’homme qui lit », 2012, p. 8
dimanche 10 octobre 2021
le Liseur
« Je ne vis jamais vieillard plus beau : sur le visage pas une ride et un front tout pur. […] Parce que Bresdin était le plus grand liseur que j’aie connu. Un livre ouvert, il ne s’arrêtait qu’à la fin. L’aurore se lève, la chandelle s’éteint, il lit encore… »
Odilon Redon, sur Rodolphe Bresdin, lequel fut son maître, l’initiant à la gravure.
mardi 5 octobre 2021
8888888
[…] Par exemple il n’y a aucun mal à concevoir le nombre 1014, indépendamment de la difficulté à compter effectivement depuis le nombre 1. On « voit » bien, par la pensée, où il se trouve dans la séquence, et on peut l’écrire sans mal dans la notation de position, qui indique les pas à faire pour l’atteindre : 1, suivi de 14 zéros. Mais le nombre 915, celui qui est 9 multiplié par lui-même 15 fois ? Quel est son visage génétique, le seul qu’on est en droit de lui accorder réel, dans cette conception du nombre ?
@34 Recompter
Ce n’est pas tout. Supposons que vous me disiez : « Voilà le nombre 8888888, je l’ai compté ; le voilà. » Je vous dis : « Vraiment ? Voyons un peu cela. Pourriez-vous recompter, s’il vous plaît ? »
Jacques Roubaud, « Le Nombre d’Opalka »
in Roman Opalka, Christine Savinel, Jacques Roubaud, Bernard Noël, éditions Dis Voir, 1996, p. 38-39
samedi 2 octobre 2021
grand nombre : pour suivre...
« Il y a quelques années, Morellet a essayé de le décourager en lui apprenant que le nombre qui s’écrit [99]9, c’est-à-dire neuf puissance neuf à la puissance neuf, qui est le plus grand nombre que l’on puisse écrire en se servant uniquement de trois chiffres, aurait, si on l’écrivait en entier, trois cent soixante-neuf millions de chiffres, qu’à raison d’un chiffre par seconde, on en aurait pour onze ans à l’écrire, et qu’en comptant deux chiffres par centimètre, le nombre aurait mille huit cent quarante-cinq kilomètres de long ! »
Georges Perec
La Vie mode d’emploi
chap. XV, « Smautf (chambres de bonne, 5) »
(P.O.L, 1978, p. 86)
lundi 27 septembre 2021
100 000 000 000 000 000 000 000 000 000
Il me réveilla dans la nuit. Combien d’étoiles tu as dit qu’il y avait ?
Impossible de me fâcher. Même arraché au sommeil, j’étais ravi qu’il poursuive sa contemplation.
« Multiplie tous les grains de sable de la Terre par le nombre d’arbres. Cent mille quatrillions. »
Je l’obligeai à réciter vingt-neuf zéros. Au bout de quinze, son rire dégénéra en grognements.
« Si tu étais un astronome de l’Antiquité et que tu comptais en chiffres romains, tu n’aurais jamais réussi à écrire ce nombre. Toute ta vie n’aurait pas suffi. »
Et combien ont des planètes ?
Ce nombre-là ne cessait de changer.
Sidérations, Richard Powers
(traduit de l’anglais [É.-U.] par Serge Chauvin)
Actes Sud, 2021, p. 19
jeudi 23 septembre 2021
Au Cabaret du Néant
Sur un point cependant ceux que j’ai conviés au Cimetière de la morale s’accordent : leur refus de l’existence, dont jamais ils ne perdent de vue l’horreur. Ils considèrent pour la plupart la procréation comme un crime, la création comme une faute de goût, la société comme une association de malfaiteurs et le suicide comme leur honneur, quand ce n’est pas leur devoir. Ils sont de la famille de Schopenhauer, et c’est pourquoi nous avons été lui rendre visite à l’Hôtel d’Angleterre. Tous, un jour ou l’autre, l’ont écouté comme nous l’avons fait nous-même, et ce qu’ils ont entendu les a confortés dans leur mépris de l’humanité, leur défiance de l’amour, leur nihilisme invétéré.
Roland Jaccard, le Cimetière de la morale, Puf, « Perspectives critiques », 1995, p. 7.
mardi 21 septembre 2021
mimologisme
« Il serait tout aussi absurde d’imprimer en rouge le mot “ rouge ” que d’imprégner de parfum la page où se lit le nom d’une fleur : absurde en science comme en littérature. »
Michel Vachey, « Ramages dans une allée », Revue des sciences humaines, n° 175, « Honoré de Balzac » (Université de Lille-III, 1979, p. 138), cité par L. L. de Mars — section « Caviard », p. 161 — de Archipel plusieurs (1967-1987), Flammarion, « Poésie », 2021 (464 p., 30 €).
vendredi 17 septembre 2021
dimanche 29 août 2021
mardi 24 août 2021
samedi 14 août 2021
mercredi 11 août 2021
la vache qui rit
« Alors ça va ? On reste en pays de connaissance ? N’allez pas imaginer qu’on soit des dadas, hein, nous on monte sur les dadas, on est des écuyers. »
Louis Scutenaire, « Les pieds dans le plat », préface au catalogue de la première exposition personnelle de René Magritte à Paris, « Peintures et gouaches », Galerie du Faubourg (11 mai-5 juin 1948), que l’on a retenue sous l’appellation « période vache », une peinture nouvelle, jetée et agressive, soit quelques semaines, une quarantaine de tableaux et de gouaches aux sujets vulgaires et aux couleurs criardes — le contrepied exact de sa manière habituelle —, destinés à choquer les marchands parisiens et à outrager le bon goût français.
Côté critique, les résultats furent divertissants. Sans parler ni des Français ni des Belges qui ne faillirent pas à leur réputation, de doctes zoïles valaisans, des descendants éclairés des convicts de la Nouvelle-Hollande traînèrent sur la claie l’artiste et son préfacier. Ce qu’ils regrettaient le René Magritte « d’antan » ! Quant au Livre d’or de la Galerie du Faubourg, ce fut plutôt un livre d’ordures si on le juge sur la vulgarité, la malveillance des jugements qu’y tracèrent les visiteurs. Il n’aurait pas été conservé, dommage… Il y avait, dans cette nuit, une seule étoile : « Rira bien qui rira le dernier », signé Éluard.
Personne n’acheta.
in Avec Magritte, Louis Scutenaire
L’Atelier contemporain, coll. « Studiolo »
(p. 137 et 142) 224 p. – 8,50 €
jeudi 5 août 2021
crever l’écran
dimanche 1 août 2021
lundi 26 juillet 2021
les cas Verne(s)
et ses 62 « Voyages extraordinaires »
ou
les 230 « Bob Morane »
d’Henri
vendredi 16 juillet 2021
samedi 10 juillet 2021
mercredi 7 juillet 2021
quelque trente minutes d'avance
« Vers les quatre heures et demie, ce jour-là, Denis Revaz sortit de chez lui. »
Difficile de penser que Charles Ferdinand Ramuz, en écrivant, puis publiant (1937, Mermod, Lausanne) la première phrase — ou incipit — de son roman Si le soleil ne revenait pas (Ramuz / Revaz / Marquiz) n’ait pas pensé à faire une allusion, adresser une pique à André Breton et à son Manifeste du surréalisme, 1924, je le cite :
« Par besoin d’épuration, M. Paul Valéry proposait dernièrement de réunir en anthologie un aussi grand nombre que possible de débuts de romans, de l’insanité desquels il attendait beaucoup. Les auteurs les plus fameux seraient mis à contribution. Une telle idée fait encore honneur à Paul Valéry qui, naguère, à propos des romans, m’assurait qu’en ce qui le concerne, il se refuserait toujours à écrire : La marquise sortit à cinq heures. Mais a-t-il tenu parole ? »
samedi 3 juillet 2021
à mon avis
« Ce que ce doit être de passer son temps à pointer du doigt les erreurs des autres, de vivre quotidiennement avec la pression de trouver un autre superlatif, un nouveau terme péjoratif, tout en veillant a conserver sa crédibilité. Et je sais, pour l’avoir traversé, quel enfer c’est d’être continuellement invité à donner son opinion — son jugement, son point de vue, son “avis”, au sens le plus trivial du terme — sur tout et sur n’importe quoi. »
Michael Herr, cité par Philippe Lançon, article « Putain de Kubrick ! », p. 37-39, Libération, n° 12455, sam. 3-dim. 4 juillet 2021, au sujet de C’était Kubrick (Séguier)
mercredi 30 juin 2021
de saison
La mentale denrée, comme une autre, indispensable, garde son cours et je rentre d’une matinée, au dehors, de printemps, charmé ainsi que tout citadin par le peu d’ivresse de la rue ; n’ayant, en le trajet, éprouvé, que devant les modernes épiceries ou les cordonneries du livre, un souci mais aigu et que proclame l’architecture demandée, par ces bazars, à la construction de piles ou de colonnades avec leur marchandise.
Le lançage ou la diffusion annuels de la lecture, jadis l’hiver, avance maintenant jusqu’au seuil d’été : comme la vitre qui mettait, sur l’acquisition, un froid, a cessé ; et l’édition en plein air crève ses ballots vers la main pour le lointain gantée, de l’acheteuse prompte à choisir une brochure, afin de la placer entre ses yeux et la mer.
Interception, notez —
Stéphane Mallarmé, Divagations
QUANT AU LIVRE, « Étalages »
dimanche 20 juin 2021
My creative method
Bacon avait un jour expliqué à Daniel Farson qu’il n’avait jamais nettoyé son atelier de Reece Mews, à South Kensington, parce que cela lui permettait de prendre de la poussière par terre et de l’appliquer sur la toile pour peindre ses dunes de sable. Il lui arrivait aussi de passer ses doigts dans la poussière, puis sur la peinture encore humide.
Jean-Luc Hennig, Éloge de la poussière (Fayard, 2001)