vendredi 30 avril 2021

Amer # 9

 C’est un grand (b/h)on(h/n)eur d’avoir été convié par Ian Geay (glouglous) à rejoindre — d’un plongeon ! — le pléthorique sommaire (Jean Lorrain, Laurine Roux, Anna d’Annunzio, Yves Letort, Éric Dussert, Christophe Esnault…) de la neuvième livraison — ou « immersion » — d’Amer, revue finissante, Lille, 480 pages, 504 grammes, avril 2021, thème : « Eaux, lavement littéraire » (baignades et noyades), textes, nouvelles (crues), cours de natation (l’Art de nager appris seul en moins d’une heure), entretiens (Sarah Haidar) plus ou moins fleuves (cent deux questions posées), articles critiques (« Faire la planche, posture fin-de-siècle »), rivières de diamants, vague à l’âme, lacs ou méandres, courants et marées, tempêtes et pot-au-noir, dessins, images, photographies, portfolios (Pole Ka), chroniques attendues (« De bruit et de fureur », « La revue des revues »), couverture de Jean-Luc Navette, poster (wOOlf) en prime, dont la quatrième — Rachilde, La Tour d’amour — écrit :

Quand la vague se recroquevillait sur elle-même, on découvrait des trous, des vieux trous de dents gâtées, et cela sentait la marée, âprement, avec un surgoût de sang pourri.

 

 

Les Âmes d’Atala

 


samedi 24 avril 2021

Pour PLP

Extrait du court texte (deux phrases) de la quatrième de couverture de Ça et pas ça, de Pierre Le Pillouër (Le Bleu du ciel, 2015) :

«  Ce livre est le recueil des visions et des auditions issues de l’état de semi-conscience qui se dissipe vite dans le sommeil ou dans le retour à la norme. [...] nulle épreuve sinon celle de la lutte contre les processus et les tentations de l’effacement. »

Petit garçon bronzé brun vêtu de rouge debout sur un lit complètement protégé par une moustiquaire


LA VOIX DIT

Il faut enlever le mot « poésie »


Rebord en or (proche d’une grande capsule retournée)

d’un tambour très plat

ET LA VOIX DIT

... me rendrait service aussi...


Gros corps de baigneur sans tête (humain ou non ?)

éclairé de l’intérieur par des flammes de bougie


Petites jambes de femme en verre soufflé rouge

ET LA VOIX DIT

Livre de vie et de détenu


(p. 83)

* * * * * * * * * *

> Pour relayer et poursuivre l’initiative de Patrick Beurard-Valdoye et de Florence Trocmé :

https://poezibao.typepad.com/poezibao/2021/04/pour-soutenir-pierre-le-pillou%C3%ABr.html



lundi 19 avril 2021

R. R. [x 2]

 


• Europe, n° 714, octobre 1988, 224 p. [75 F]


La liste des médications, tenue à jour par Charlotte Dufrène (« mon amie » comme dit le dernier manifeste), est, des œuvres de Roussel, une des mieux abouties : Phanodorme, Hypalène, Vériane, Rutonal, Sonéryl, Somnothyril, Neurinase, Acetile Veronidin.

Elle suit encore, après abandon de l’écriture visible, le cours de la « création imprévue due à des combinaisons phoniques ». Les commentaires aussi laissent croire à l’efficace du nom et de la chose : sommeil euphorie extra, euphorie très grande euphorie euphorie toute la journée sommeil bon sommeil formidable euphorie euphorie désordonnée.


On commence mal une biographie par sa fin, sauf dans le cas, prédicable ici, où l’on ne sait rien… sinon ce qu’implique ce rapport du docteur Pierre Janet : « Sa vie était construite comme ses livres. »


« Raymond Roussel, presque »

Philippe G. Kerbellec

[p. 138]


• Europe, n° 1104, avril 2021, 370 p. [20 €]


Une félicité qui est peut-être un autre nom de la gloire : de fait, dans l’imaginaire rousselien, la gloire apparaît moins comme un effet de la réussite de l’œuvre que comme une substance, lumière ou fluide émanant d’un sujet sans failles, dont ce rayonnement atteste la plénitude. C’est pourquoi l’expérience, cruelle, de son irréalité sociale a son lieu dans le corps même de l’auteur : lorsque, à l’été de 1897, personne ne soulève son chapeau pour saluer le jeune auteur de la Doublure et de « Mon âme ». […] 


Quand la Doublure parut, le 10 juin 1897, son insuccès me causa un choc d’un violence terrible. J’eus l’impression d’être précipité jusqu’à terre du haut d’un prodigieux sommet de gloire. La secousse alla jusqu’à provoquer chez moi une sorte de maladie de peau qui se traduisit par une rougeur de tout le corps, et ma mère me fit examiner par notre médecin, croyant que j’avais la rougeole.


« Le style substantif de Raymond Roussel »

Christelle Reggiani

[p. 32]



mardi 13 avril 2021

Noël

 


Peut-être écrit-on pour s’entraîner à la disparition — tant pis si le rapport paraît choquant —, s'entraîner : lutter contre. Puisque nous n'avons plus rien à dire, plus rien à décrire depuis que le réalisme fuit par tous les bouts, que nous reste-t-il à part le rien ? La situation n'est pas désespérée : on peut faire tant de choses à partir de rien — le rien interdit seulement qu'on les prenne pour le tout. Ainsi, la place est nette, et elle le demeure. Pas question de s’exprimer — exprimer quoi ? Mais l’on peut créer, c’est-à-dire jouer. Il faut d'abord se souvenir un peu pour nourrir le mouvement des mots et rencontrer l'histoire, puis l’on devient guignol ou l’autre ou soi-même, et tout cela sous son nom, à condition de prendre ce SOUS très littéralement.


« L’outrage aux mots »

13/20 février 1975

Jean-Jacques Pauvert, 192 p., 1975

[p. 183-184]


vendredi 9 avril 2021

[ ]

 

Tous dans le salon, tous en manteau, dont trois qui, en plus, ont enfilé des gants et quatre qui donnent l’impression d’écouter Martin, le seul à être debout et qui parle avec de grands gestes.

Cette façon dont le temps semble avoir fait un bond en avant. S’est-il passé, à minuit, quelque chose qui amplifie le dérèglement ? Et cette façon qu’a la voix de Martin de se modifier peu à peu.

Les armes biologiques et les pays qui les possèdent.

Il débite une longue liste qu’interrompt une quinte de toux. Les autres détournent les yeux. Lui s’essuie la bouche du revers de la main, inspecte la main en question et revient à son discours.

Certains pays. Jadis partisans forcenés de l’arme nucléaire, qui utilisent désormais le langage de l’armement vivant.

Microbes, gènes, spores, poudres.

[p. 75]



Le Silence, Don DeLillo

roman traduit de l’américain par Sabrina Duncan

Actes Sud, 112 p., 2021


« Et qu’est-ce qui se passe ensuite ? dit Tessa. C’était dans les marges de notre perception depuis toujours. Panne d’électricité, technologie qui dérape, une chose puis une autre. On en a été témoins à plusieurs reprises, chez nous comme ailleurs, tempêtes, feux de forêts, évacuations, typhons, tornades, sécheresse, brouillard épais, air pestilentiel. Glissements de terrain, tsunamis, rivières qui disparaissent, maisons qui s’effondrent, bâtiments entiers qui s’écroulent, ciels saturés de pollution. Excusez-moi, je vais essayer de me taire. Tous ces souvenirs encore frais dans les mémoires, virus, épidémie, cette ribambelle de gens dans les terminaux des aéroports, les masques sur le visage, ces rues désertes dans les villes. » 

Tessa remarque le silence qui accompagne ses moments de pause.

« De l’unique écran noir de cet appartement à la situation qui nous environne. Qu’est-ce qui se passe ? Qui nous inflige ça ? Est-ce qu’on a remastérisé nos cerveaux en numérique ? Est-ce qu’on est une expérience en train de tourner court, un programme mis en œuvre par des forces qui transcendent notre entendement ? Ce n’est pas la première fois que ces questions sont posées. Des savants ont dit et écrit des choses à ce propos, des physiciens, des philosophes. »

[p. 81]



jeudi 1 avril 2021

— Chat ou café ?

 


Félix Vallotton, 1896


Chuck Patch, 1975


(Cette photographie [ce photographe], je la découvre ce 25 mars grâce au blog inlassablement renouvelé depuis 2006,
Pop9,
quasi toujours en tête du Top 25 des sites amis [ordre automatique géré selon mise à jour chronologique],

et que je consulte incessamment plusieurs fois par jour : 

que son animateur en soit ici remercié.)