samedi 28 mai 2022

bibliothèque ambulante


 

Ce soir-là, l’homme avait raconté à son amie l’histoire d’Abdul Kassem Isma’ail, grand vizir de  Perse qui, au Xe siècle, ne pouvait se résoudre à se séparer de ses cent dix-sept mille volumes. Il les faisait transporter par une caravane de quatre cents chameaux. Les animaux étaient dressés à marcher par ordre alphabétique.


Marcel Cohen

L’homme qui avait peur des livres

jeudi 19 mai 2022

« J’ai porté des statues »

J’ai porté des statues sur le bateau.
Leur immense visage est anonyme.
J’ai porté des statues sur le bateau
afin qu’elles restent debout sur l’île.
Du lobe de l’oreille à l’aile du nez
s’ouvre un angle de quatre-vingt-dix degrés.
Sauf cela, aucun signe, rien de rien.
J’ai porté des statues sur le bateau.
C’est ainsi que j’ai sombré corps et biens.

traduit du hongrois par Isabelle Vital
adaptation de Pierre della Faille


                         •

De ces statues que j’escortais,
nul nom ne dit le haut visage.
En mon vaisseau les escortais
jusqu’à l’île en dresser l’image.
L’angle pris du tragus au nez
avait quatre-vingt-dix degrés,
hors cela rien à signaler.
Ces statues je les escortais,
et ainsi j’ai sombré.

adaptation de Guy de Bosschère

                         •

J’ai porté des statues jusque sur un bateau
leurs visages sans nom étaient démesurés
J’ai porté des statues jusque sur un bateau
Je les voulais debout fichées au cœur de l’île.
Toutes pareilles
avec la conque de l’oreille
leur nez faisait un angle droit
pas d’autre signe distinctif

J’ai porté des statues jusque sur le bateau
et voilà pourquoi j’ai sombré.

adaptation de Bernard Noël

                          •

in Ágnes Nemes Nagy
Les Chevaux et les Anges
« anthologie poétique 1931-1991 »

établie sous la direction d’Anna Tüskés
avec le concours de Guillaume Métayer

La Rumeur libre éditions, coll. « Centrale/Poésie »
2022, 288 p., 18 €
[pages 89-91]

                                                                         •

 




vendredi 13 mai 2022

« Les Cahiers critiques de Pô » (I)

 
 

Dans ce volume concis, Baguenaudes littéraires (Paris, 2022), qui représente la quintessence de l’esprit critique de Guillaume Pô, celui-ci a sélectionné drastiquement certains ouvrages indispensables qui ne quittent jamais très longtemps sa table de chevet. Pô consent à nous délivrer quelques échantillons témoignant de la variété de son immense curiosité littéraire, déploie, dis-je, pour notre édification le large spectre de ses intérêts, dénichant raretés et singularités qui avaient pu échapper à notre attention. Il applique par exemple à J’entends une fourmi, de Michel Noir (Éd. de la Différence, 1995), aux Toutes Dernières Histoires drôles, de Guy Montagné (Le Cherche-Midi éd., 1997), ou encore aux Tire-bouchons multifonctions, et sans vrille, « florilège de tire-bouchons, volume VII », de Jean-Louis Desor (Crépin-Leblond éd., 2014), la même érudition sans pédanterie et le sérieux didactique qui caractérisaient déjà ses ouvrages précédents.
 
 

 

lundi 2 mai 2022

Intitulation (II)

   Après avoir rejeté Spicilège, puis Reliquat, ainsi qu’Happylogue, cherchant un nouveau titre pour poursuivre (achever ?) sa série inaugurée par Bardadrac — « mot-chimère jadis inventé par l’une de mes amies pour désigner le fouillis de son grand sac à main » —, Gérard Genette (le constant intitulauteur de Figures, I, II, III, IV et V) écrit (Postscript, 2016, p. 12) :

   « Je perçois bien qu’après Codicille, Apostille et Épilogue, je peux sembler vouloir saturer l’ensemble d’un champ lexical voué à ce que Montaigne, on le sait déjà, appelait plus familièrement des “ allongeails ”. »

      Bardadrac
           Codicille
                Apostille
                    Épilogue
                        Postscript