Pour moi, le choix est encore impossible entre Dieu et l’Evolution, entre le plein et l’atome. Tout ce que je regarde est de plus en plus hanté par l’atome. C’est-à-dire que la « beauté » elle-même m’est de plus en plus interdite, en ce sens que dans toute chose, tout événement devant moi, paysage, corps, « ciel », etc., je vois immédiatement sa désintégration, son inexistence en somme ; et comment aimer humainement corps humain, esprit de ce corps, cœur de ce corps, quand, en quelques secondes, sa forme en quelque sorte disparaît, pour vous, dans l’abondance infinie de sa composition atomique ? Comment à plus forte raison y trouver de la beauté ? Mais il faut admirer, aimer et donc vivre malgré tout en connaissance de cause ; et n’est-ce pas au fond ce que l’art dans son ensemble universel nous apprend chaque fois ?
Pierre Guyotat (1940-2020), entretien avec Marianne Alphant (14-15 juillet 2000), le Cahier du refuge, cipM, sept. 2000, p. 35 (repris dans Divers, Les Belles Lettres, 2019, p. 199)
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