samedi 13 janvier 2024

traduit du Schmidt

 


Pour ma part, je n’ai rien vécu — ce qui ne me fait d’ailleurs ni chaud ni froid ; je ne suis pas fou au point d’envier les grands voyageurs : pour cela j’ai trop lu le Seydlitz ou le Grand Brehm. Qu’ai-je à faire de New York ? Une grande ville est une grande ville ; du reste, je ne compte plus les fois où j’ai été à Hanovre ; je connais ces matins où mille porteurs de gamelles sortent à grands pas rapides de la gare centrale ; se déployant en éventails pour se précipiter dans l’Âge plaqué or. L’un d’entre eux marche comme s’il était suivi par un teckel. Des créatures couleur brique s’immiscent, parapluies-flèches dans des mains sanguinolentes, (ou aussi funestement noires ; bientôt leurs machines à écrire vont prendre leur envol en poussant des cris de caille. Tout ces réveillés du réveil. Mais déjà l’auto à côté de moi se racle la gorge pour signifier sa réprobation ; pourtant je ne suis plus d’âge à pouvoir être soupçonné — ne serait-ce que par mon aspect extérieur — de me laisser crétiniser par la simple vue d’une paire de glandes mammaires !)

Arno Schmidt, Histoires
« Tambour chez le tsar » [incipit] (Trommler  beim Zaren)
(traduit de l’allemand par Claude Riehl)




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