Avant
(1976)
Après
— 2015 —
Première édition française intégrale
Je n’oublierai jamais. Je ne sais même pas si je suis capable de décrire ce qui se passa. D’un seul coup, tout se figea pour devenir une parodie d’horreur à la manière des Marx Brothers. Chaque visage blanc prit l’immobilité de la pierre. L’arrivée du messager de la mort n’aurait pas eu un effet plus foudroyant que l’apparition, sur le seuil de ce restaurant, d’un petit homme noir, sans armes et complètement stupéfait. J’avais compris mon erreur dès que j’avais ouvert la porte : mais la véritable terreur qui se peignait sur chacun de ces visages blancs – personne ne bougea – me paralysa. Nous nous regardâmes fixement, sans prononcer un mot.
Le charme fut rompu par une de ces femmes qui, j’espère, n’existent que dans le Sud, au visage semblable à une hache rouillée, aux yeux tels deux clous rouillés – des clous de la Crucifixion. Elle se précipita vers moi comme pour me battre et aboya – car sa voix n’avait pas son humain. « Qu’est-ce que tu veux, mon garçon, qu’est-ce que tu viens faire ici ? » Puis, avec le geste de recul qu’on a devant un lépreux : « Par là. C’est par là. »
Je ne savais absolument pas de quoi elle parlait ; je reculai vers la porte.
« C’est par là, mon garçon », dit une voix derrière moi.
Sur le trottoir, vide une seconde plus tôt, se tenait un homme blanc, sorti de nulle part. Je le fixai d’un regard vide.
(p. 76)
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