lundi 28 avril 2025

B v V — II

 



Pour la première fois dans l’histoire de la peinture, un peintre, par un sacrifice de soi sans pareil (qu’on comprenne bien : au physique comme au moral Bram van Velde a saboté toutes ses chances de bien-être), nous a entraînés à ce terrain-limite. Nous sommes aux Colonnes d’Hercule, en deçà mais en face de l’inconnu.

Georges Duthuit


Ni figuratif ni non figuratif, on le dirait plutôt défigurateur. Une atmosphère de meurtre rituel domine sa peinture. Partout le flamboiement de regards blancs : l’œil d’Abel poursuivant Caïn. Bram van Velde s’enfonce dans le tableau pour fuir ce regard, mais il ne cesse de l’y rencontrer. Ses tableaux : les labyrinthes de la culpabilité.

Pierre Schneider


Cellules et alvéoles, méandres et ruches, deltas et circulations rapides, aurores boréales et chairs livides, marines lumineuses et terres automnales, cercles comme des yeux, yeux comme des seins, fruits fantastiques, champs labourés, coupes cellulaires, stratifications laminées, pulpes et intestins, zones occupées sans nécessité apparente, zones floues et inachevées, masques isolés les uns des autres, résidus de natures mortes, un seul personnage submergé dans l’espace, ou deux personnages séparés par d’indéchiffrables formes molles, grandes bêtes colossales désintégrées dans leur excessive complexité, lacs, échos, accouplements organiques…

Antonio Saura


*


Bram van Velde, Petites Peintures sur papier

Rainer Michael Mason, « Voix, regards sur Bram van Velde, de Geneviève Asse et Samuel Beckett à Antonio Saura et Jean Starobinski »

Les Cahiers dessinés / Arles MMXXV, Festival du dessin

mars 2025, 84 p. [p. 47, 48 et 50]

jeudi 24 avril 2025

B v V

— Vous êtes très proche de votre ami Beckett.


— On se comprend assez bien mais moi je suis un homme sans savoir. Beckett est le premier homme qui me soit venu en aide. J’étais dans un isolement encore plus grand qu’aujourd'hui quand je lui ai demandé de venir voir… Quelqu’un m’a dit : « Il s’intéresse à la peinture, demande-lui de venir. » Je l’avais vu une seule fois chez mon frère mais c’est trois ans après que je lui ai demandé de venir. Ça me paralyse, d’écrire. Depuis on s’est vu de longues années. J’aimais beaucoup sa manière de regarder les tableaux en ne disant presque rien. Aucun doute, c’est lui mon vrai sauveur. Parce que si on n’a pas une rencontre comme ça on est perdu.


[…]


— La « nécessité intérieure » selon Kandinsky ?


— J’ai vu Kandinsky à un vernissage avant la guerre. J’étais assez dérouté par sa peinture mais je voyais un type debout qui regardait son tableau derrière ses lunettes : un vrai esprit, une vraie force. Mais je ne le comprenais pas, je cherchais à rattraper mon petit chien qui s’évadait. Quand je pense à lui, je me dis que je voudrais être un type comme ça. On voit qu’il domine tout. C’est quand même un privilège d’être un intellectuel. Mon travail, c’est le contraire d’un travail intellectuel. C’est une dure histoire quand même de vivre une chose inconnue.


*


Dits et entretiens de Bram van Velde, anthologie de 56 documents, précédés d’un essai de Jérôme Thélot, L’Atelier contemporain, « Écrits d’artistes », avril 2025, 280 p. [p. 187 et 189]

jeudi 17 avril 2025

patronymique

 

« Je pense que si l’on doit à son visage, l’on doit aussi à son nom.


« Écoutez plutôt : Éluord, Rimbaid, Alfred de Vignu, Bautelaire, Beton, Mallardé… » 


Louis Scutenaire, Mes inscriptions

(Éd. Labor, Bruxelles, 1990, p. 209)




Libé, jeudi 9 mai 1991

samedi 12 avril 2025

vendredi 4 avril 2025

ratisser large

 


Louise de Vilmorin
(calligramme)

A bon château bon râteau

Fait un tapis ras tissé

Ce sera demain Dimanche

Tout en récitant l’Ave

Ce râteau sourit aux anges

Mais on ne l’a pas lavé

Et ses dents ne sont pas blanches

(... & prends-en de la graine)