mercredi 27 août 2025
mercredi 20 août 2025
livres : alcools
Il en est d’aucuns qui, faisant profession d’être plus amateurs de Vins rares que de Livres, encore qu’ils ne soient tout à fait ignorants & démunis de ceux-ci, pour faire montre de mépris envers ceux qui sont plus qu’eux hommes d’étude, gardent des flacons pleins derrière de certains rayons, & les invitent parfois à voir leur Librairie : feignant d’en tirer quelque Livre des plus rares, ils en tirent des flacons & des bouteilles de liqueurs précieuses ; mais un de ceux-ci paya naguère l’amende de sa facétie & de sa moquerie, car ce faisant il en renversa un & macula laidement une rangée entière d’excellents Livres disposée sous celle des flacons, y faisant des taches indélébiles : ainsi, comme dit le proverbe, la couleuvre a pris le charlatan*.
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* La biscia beccò il ciarlatano : jolie façon de dire « tel est pris qui croyait prendre ». Quant à savoir quelle est la base de cette expression, c’est une autre affaire.
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2007 (200 exemplaires numérotés)
É.O. : Del furore d’aver libri. Varie Avvertenze Utili, e necessarie agli Amatori de’ buoni Libri,
disposte per via d’Alfabeto,1756
[entrée : Vin]
mercredi 13 août 2025
mercredi 6 août 2025
livres : espace/temps
Rapidement, je fus cerné de toutes parts par les livres. « Une masse problématique », dirait un médecin. Dans un premier temps, les rayonnages furent complétés par des constructions faites maison ; puis, dans la mesure où le flot ne tarissait pas, il fallut bien lui laisser place aux dépens d’autres meubles. La penderie fut ainsi déplacée dans le vestibule, suivie de près par deux meubles de bibliothèques qui vinrent dès lors l’encadrer. Après notre mariage, et lorsque nous fûmes installés dans un appartement plus adapté à une vie à deux, il me fallut promettre à mon épouse que les livres ne sortiraient pas de mon bureau. En conséquence, je fus bientôt obligé de les disposer en doubles rangées — une solution qui me chagrinait terriblement. Dès lors, je partis sur les marchés aux puces en quête de meubles — avant tout de petits buffets — susceptibles de faire office de chevaux de Troie, susceptibles de m’aider à faire entrer mes livres en contrebande dans le couloir principal et le salon. Parfois, j’y parvenais ; parfois pas.
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mercredi 30 juillet 2025
jeudi 24 juillet 2025
livres : généralités
Nous dissertâmes tout au long du repas sur le bonheur et la malédiction pesant sur notre sort : les livres sont coûteux à l’achat, ne valent rien à la revente, sont hors de prix lorsqu’il faut les retrouver une fois épuisés, sont lourds à porter, prennent la poussière, craignent l’humidité et les souris, sont à partir d’une certaine quantité quasi impossibles à déménager, nécessite un classement précis pour pouvoir être utilisés et, surtout, dévorent l’espace. (Il m’est arrivé d’avoir une salle de bains aux murs tapissés de rayonnages, ce qui interdisait l’usage de la douche et obligeait à prendre son bain la fenêtre ouverte à cause de la condensation ; et aussi, dans ma cuisine, ce qui prohibait un certain nombre d’aliments à l’odeur particulièrement prégnante. Comme nombre de mes confrères, j’ai mis longtemps avant d’avoir les moyens immobiliers de mes ambitions bibliophages !)
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dimanche 13 juillet 2025
nature morte
des arbres abattus
décapités,
étêtés, élagués
émondés, débités, foudroyés
taillés fin
des chênes chenus, chus
(hachés menu)
des trembles tremblent
de frêles frênes
des pins dépenaillés
des tilleuls mentent
des merisiers meurent
des hêtres désertent
(des saules pleurèrent…)
des platanes déplantés
des bananiers se bananant
des baobabs à bas
des cèdres décérébrés
des cyprès décimés
des vignes dédaignées
des érables éraflés
des noisetiers émasculés
des lianes éloignées
de marronnasses marronniers
des acacias à casser
(des ormes désormais)
de noyés noyers
des palmiers déplumés
des séquoias sectionnés
des peupliers dépeuplés
de châtains châtaigniers
des trous de ver(t)
des oliviers no life
des troncs tronçonnés
des sapins qui le sentent
des ifs dépressifs
des pommiers paumés
des charmes sans aucun
des fleurs fanées
des feuilles mortes
(qui manquent à l’appel)
des mousses rousses
des branches débranchées
des billes débitées
assez d’herbacées !
la flore déflorée
les forêts forées
les haies haïes
les bosquets débusqués
les touffes étouffées
les racines déracinées
les champignons atomisés
les ginkgo-biloba
bé-bé-bi-bo-ba-bu
Boum !
dimanche 6 juillet 2025
mardi 1 juillet 2025
samedi 28 juin 2025
Cummings x 3
3 anthologies bilingues (2022, 2023, 2025)
traduites et présentées par Jacques Demarcq
enrichies de dessins de e. e. cummings
jeudi 19 juin 2025
au contraire
Comme le suggère La Plâtrière, « la réalité est, en réalité, toujours différente ; l’opposé, toujours — elle est la réalité, en réalité, vraiment ». L’écriture de Bernhard est un exercice critique qui a pour objet notre existence et le langage de notre existence. En mettant au jour le renversement permanent de tous les aspects, de tous les concepts, de toutes les attitudes humaines en leur contraire, en une variété infinie de contraires, elle trace elle-même son propre destin : mettre à nu l’impossibilité de communiquer et de se parler, la vanité des efforts que nous consacrons à nous faire comprendre. Tout est toujours divers et l’on ne peut se faire comprendre. « Il en va tout autrement. Il en va toujours tout autrement. Se faire comprendre est impossible » (Perturbation).
in
traduit de l’italien par Jean-Pierre Cometti
L’éclat / éclats, avril 2025 [1990], 92 p.
[p. 19]
samedi 7 juin 2025
samedi 31 mai 2025
samedi 24 mai 2025
— sauvé des eaux —
quatrième
ACHEVÉ D’IMPRIMER
LE 12 NOVEMBRE 1921
PAR F. PAILLART A
ABBEVILLE (SOMME)
recueil de quatre nouvelles : « Le planteur de Malata », « L’associé », « L’Auberge des deux Sorcières », « À cause des dollars », précédées d’une « Note du traducteur » (p. 8) et d’une « Note de l’auteur » (p. 9 à 12) ; 176 p.
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notre exemplaire : signé en manière d’ex-libris, au porte-plume, en haut des pages 4 et 6 : L. Delaruelle, oct. 24.
mercredi 21 mai 2025
vendredi 16 mai 2025
vendredi 2 mai 2025
lundi 28 avril 2025
B v V — II
Pour la première fois dans l’histoire de la peinture, un peintre, par un sacrifice de soi sans pareil (qu’on comprenne bien : au physique comme au moral Bram van Velde a saboté toutes ses chances de bien-être), nous a entraînés à ce terrain-limite. Nous sommes aux Colonnes d’Hercule, en deçà mais en face de l’inconnu.
Georges Duthuit
Ni figuratif ni non figuratif, on le dirait plutôt défigurateur. Une atmosphère de meurtre rituel domine sa peinture. Partout le flamboiement de regards blancs : l’œil d’Abel poursuivant Caïn. Bram van Velde s’enfonce dans le tableau pour fuir ce regard, mais il ne cesse de l’y rencontrer. Ses tableaux : les labyrinthes de la culpabilité.
Pierre Schneider
Cellules et alvéoles, méandres et ruches, deltas et circulations rapides, aurores boréales et chairs livides, marines lumineuses et terres automnales, cercles comme des yeux, yeux comme des seins, fruits fantastiques, champs labourés, coupes cellulaires, stratifications laminées, pulpes et intestins, zones occupées sans nécessité apparente, zones floues et inachevées, masques isolés les uns des autres, résidus de natures mortes, un seul personnage submergé dans l’espace, ou deux personnages séparés par d’indéchiffrables formes molles, grandes bêtes colossales désintégrées dans leur excessive complexité, lacs, échos, accouplements organiques…
Antonio Saura
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Bram van Velde, Petites Peintures sur papier
Rainer Michael Mason, « Voix, regards sur Bram van Velde, de Geneviève Asse et Samuel Beckett à Antonio Saura et Jean Starobinski »
Les Cahiers dessinés / Arles MMXXV, Festival du dessin
mars 2025, 84 p. [p. 47, 48 et 50]
jeudi 24 avril 2025
B v V
— Vous êtes très proche de votre ami Beckett.
— On se comprend assez bien mais moi je suis un homme sans savoir. Beckett est le premier homme qui me soit venu en aide. J’étais dans un isolement encore plus grand qu’aujourd'hui quand je lui ai demandé de venir voir… Quelqu’un m’a dit : « Il s’intéresse à la peinture, demande-lui de venir. » Je l’avais vu une seule fois chez mon frère mais c’est trois ans après que je lui ai demandé de venir. Ça me paralyse, d’écrire. Depuis on s’est vu de longues années. J’aimais beaucoup sa manière de regarder les tableaux en ne disant presque rien. Aucun doute, c’est lui mon vrai sauveur. Parce que si on n’a pas une rencontre comme ça on est perdu.
[…]
— La « nécessité intérieure » selon Kandinsky ?
— J’ai vu Kandinsky à un vernissage avant la guerre. J’étais assez dérouté par sa peinture mais je voyais un type debout qui regardait son tableau derrière ses lunettes : un vrai esprit, une vraie force. Mais je ne le comprenais pas, je cherchais à rattraper mon petit chien qui s’évadait. Quand je pense à lui, je me dis que je voudrais être un type comme ça. On voit qu’il domine tout. C’est quand même un privilège d’être un intellectuel. Mon travail, c’est le contraire d’un travail intellectuel. C’est une dure histoire quand même de vivre une chose inconnue.
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Dits et entretiens de Bram van Velde, anthologie de 56 documents, précédés d’un essai de Jérôme Thélot, L’Atelier contemporain, « Écrits d’artistes », avril 2025, 280 p. [p. 187 et 189]