mardi 17 janvier 2017

Princesse Anthracite

   Si je crois que l’excitation sexuelle est un « état second », analogue à celui dans lequel le cannabis plonge la brigade des stupéfiants, je crois également que la beauté de l’Africaine aux Yeux Noirs comme l’Espace, aux Sourcils noirs comme des Plumes de Geai, aux Cheveux noirs comme des Flammes
   est un phénomène hallucinatoire, une « ruse de la Nature », le subterfuge dont se sert l’Espèce pour se perpétuer.
   Sans en avoir pleinement conscience, je prive de sa valeur le concept de la beauté, de la sienne le concept de l’amour : chose plus lugubre encore, si possible, je me figure que je suis lucide uniquement lorsque je ne suis pas excité, ce qui veut dire que je qualifie de « pathologique » l’inspiration, l’extase et tous les états de conscience analogues.
   J’en conclus que seul est normal l’état dans lequel me place le fisc quand il m’envoie une lettre comminatoire, que la femme à qui l’orgasme révèle le sens de la vie est gravement névrosée et que la Lumière vermeille est une invention de mon excessivement primitive mentalité.
   Selon la Négresse, il va sans dire que l’excitation, l’inspiration, l’extase et les états analogues représentent l’Anorme dont l’état ordinaire est la Norme. Autrement dit, ils représentent la minorité qui, dans un régime démocratique, possède le droit de juger la majorité, de la réprouver ou de l’approuver.

Charles Duits
La Seule Femme vraiment noire (p. 254)
(avec une préface de Juste Duits, éditions éoliennes, Bastia,
400 pages, 2016, 400 exemplaires)



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