Tout astre, quel qu’il soit, existe donc en nombre infini dans le temps et dans l’espace, non pas seulement sous l’un de ses aspects, mais tel qu’il se trouve à chacune des secondes de sa durée, depuis la naissance jusqu’à la mort. Tous les êtres répartis à sa surface, grands ou petits, vivants ou inanimés, partagent le privilège de cette pérennité.
La terre est
l’un de ces astres. Tout être humain est donc éternel dans chacune des secondes
de son existence. Ce que j’écris en ce moment dans un cachot du fort du
Taureau, je l’ai écrit et je l’écrirai pendant l’éternité, sur une table, avec
une plume, sous des habits, dans des circonstances toutes semblables. Ainsi de
chacun.
Toutes ces
terres s’abîment, l’une après l’autre, dans les flammes rénovatrices, pour en
renaître et y retomber encore, écoulement monotone d’un sablier qui se retourne
et se vide éternellement lui-même. C’est du nouveau toujours vieux, et du vieux
toujours nouveau.
Les curieux
de vie ultra-terrestre pourront cependant sourire à une conclusion
mathématique qui leur octroie, non pas seulement l’immortalité, mais
l’éternité ? Le nombre de nos sosies est infini dans le temps et dans
l’espace. En conscience, on ne peut guère exiger davantage. Ces sosies sont en
chair et en os, voire en pantalon et paletot, en crinoline et en chignon. Ce ne
sont point là des fantômes, c’est de l’actualité éternisée.
Voici
néanmoins un grand défaut : il n’y a pas progrès. Hélas ! non, ce
sont des rééditions vulgaires, des redites. Tels les exemplaires des mondes
passés, tels ceux des mondes futurs. Seul, le chapitre des bifurcations reste
ouvert à l’espérance. N’oublions pas que tout ce qu’on aurait pu être
ici-bas, on l’est quelque part ailleurs.
Auguste Blanqui, l’Éternité par les astres (1872)
[ rééd. Les Impressions nouvelles, 2012 ]
[ rééd. Les Impressions nouvelles, 2012 ]
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