[…]
Non, à Paris, je le prends [
le thé] dans ma petite cuisine et puis je me glisse ensuite à mon bureau. Je suis un peu coincé entre la bibliothèque et la table…
Vous avez une place pour un fauteuil ?
Juste une petite place. Je me glisse comme ça de…
Avec un fauteuil ou une chaise ?
Une espèce de ces petits fauteuils qui tournent, vous savez, de dactylo…
Donc, quand vous reculez, vous êtes dans des livres ?
Je ne peux pas reculer.
Vous ne pouvez pas reculer ?
À Paris, non.
Donc vous êtes obligé d’écrire ?
En tout cas de rester assis.
[…]
Vous attaquez un beau matin ?
Oui.
Et ça commence ?
Et ça commence plus ou moins facilement. Il n’y a pas de notes et de plan préétabli.
C’est un mot qui vient au départ, une phrase ?
C’est une phrase que je m’oblige à rédiger, c’est plus ou moins facile. Et la première phrase déclenche le reste.
Une première phrase qui est réécrite plus que les autres ?
Ce n’est pas celle qui est la plus réécrite, non. Elle déclenche le reste et le ton de la suite. Elle peut bien sûr être corrigée, c’est entendu. Mais en principe, bien souvent, elle ne l’est pas, la première.
Est-ce que vous écrivez le mot « fin » sur vos manuscrits ?
Non, je tire un petit trait
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Robert Pinget (19 juillet [= 12 + 7] 1919, Genève-25 août 1997, Tours)
« Depuis des années, je garde tout », propos recueillis par André Rollin
in
Le Fou parle (direction : Jacques Vallet), n° 25, septembre 1983
— couverture de Michel Parré